OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le bon mobile du chasseur de moustiques http://owni.fr/2012/10/23/bon-mobile-chasseur-moustiques/ http://owni.fr/2012/10/23/bon-mobile-chasseur-moustiques/#comments Tue, 23 Oct 2012 07:00:13 +0000 Nicolas Patte http://owni.fr/?p=123447

À ma connaissance, c’est la première fois qu’une telle masse de données, avec une telle précision, a été utilisée en prévalence de maladies infectieuses pour cartographier ces facteurs de risque et de mobilité. – Caroline Buckee

C’est sans doute, en effet, la première fois : la totalité des appels et des SMS générés par 15 millions de Kényans entre juin 2008 et juin 2009 a été analysée pour faire progresser la science. Quitte à semer le trouble sur l’épineuse question de la vie privée des utilisateurs.

Les migrations humaines contribuent à la propagation du paludisme, bien au-delà du rayon d’action du moustique Anopheles, son principal agent de transmission. Il s’agit d’un véritable casse-tête, notamment sur de vastes zones géographiques lorsque les ressources sont limitées – tant pour les soins que pour le contrôle des insectes.

Partant de l’observation selon laquelle il est impossible de cerner la façon dont cette maladie se propage sans des informations précises sur l’endroit où vivent les populations, une équipe de chercheurs américano-kényans a donc démontré, à travers cette étude menée en Afrique sub-saharienne, que les données enregistrées sur des téléphones portables pouvaient être utilisées dans le but d’identifier les régions à cibler en priorité dans le combat contre la maladie. L’étude a été publiée dans la revue Science parue le 12 octobre dernier.

L’Afrique piquée au vif

Selon le Rapport 2011 sur le paludisme dans le monde publié par l’OMS, les décès associés en 2010 au paludisme – sont encore estimés à près de 700 000, soit l’équivalent, pour cette année, de la disparition des habitants des communes de Lyon et de Lille réunies. Plus de 90% des décès se situent en Afrique, et 86% des victimes à travers le monde sont des enfants de moins de 5 ans. En guise d’espoir, des réductions de plus de 50% des cas signalés ont été enregistrées dans la moitié des 99 pays touchés par la transmission au cours de la première décennie de ce siècle. Principale raison : le nombre de moustiquaires imprégnées d’insecticide livrées par les fabricants dans cette région de l’Afrique a considérablement augmenté et est passé, entre 2004 et 2010, de 5,6 millions à 145 millions d’unités.

Toutefois, ces mesures sanitaires sont loin d’être suffisantes. Raison pour laquelle la recherche se penche aujourd’hui sur des voies alternatives pour endiguer le fléau. “Les programmes de lutte contre le paludisme ont des outils très efficaces pour prévenir la transmission aujourd’hui, mais malheureusement, les ressources pour leur mise en oeuvre sont très limitées”, selon Justin Cohen, conseiller technique principal de l’équipe de contrôle du paludisme du Clinton Health Access Initiative. La technique utilisée dans cette étude nous donne un moyen d’optimiser l’impact de nos ressources limitées.

Plus de 30 pays à travers le monde ont déclaré un objectif national d’élimination du paludisme, mais il est difficile d’éliminer la maladie quand de nouveaux cas sont constamment importés. – Andy Tatem

Exploration à la carte

Andy Tatem est professeur agrégé de géographie à l’Institut des Pathogènes Emergents de l’Université de Floride et co-auteur de l’étude. Il a fourni des cartes de population indispensables grâce à son projet AfriPop, qui utilise de l’imagerie satellitaire, des données de recensement et des cartes d’occupation du sol pour créer une cartographie détaillée de la répartition de la population de l’Afrique sub-saharienne.

Représentation en 3D d'une résolution spatiale à 100 mètres, version alpha, population d'Afrique de l'Est 2009 - afripop.org

Représentation en 3D d'une résolution spatiale à 100 mètres, version alpha, population d'Afrique de l'Est 2009 - afripop.org

Son équipe a ensuite utilisé les données fournies par une compagnie kényane de téléphonie mobile pour identifier les itinéraires les plus empruntés entre les différents coeurs de population, données où figurait une année pleine d’informations sur la localisation, les déplacements, la destination ou même les transferts d’argent de 14 816 521 utilisateurs de téléphones portables à travers le Kenya.

Professeur assistante en épidémiologie à Harvard et co-auteur de l’étude, Caroline Buckee s’est évidemment réjouie des perspectives offertes par la réunion du “big data” et de la cartographie des populations :

Déterminer où les gens vivent peut paraître trivial, mais c’est en fait une chose très difficile à faire en Afrique sub-saharienne. Des chercheurs avaient utilisé des GPS, des sondages et des flux de circulation sur les routes principales pour essayer de comprendre comment les gens se déplaçaient, mais ça nous fournissait des informations sur quelques centaines de personnes, tout au plus. Notre utilisation des informations issues de téléphones portables a apporté des milliards de données.

Carte de la pression clinique du Plasmodium falciparum en 2007 au Kenya - Malaria Atlas Project

Carte de la pression clinique du Plasmodium falciparum en 2007 au Kenya - Malaria Atlas Project

Et c’est bien grâce à ces données et à son travail de cartographie que les chercheurs d’Afripop ont réalisé un modèle de transmission du paludisme qui, appliqué à la population et ses mouvements, prédit les risques d’infection grâce à l’utilisation de la théorie mathématique des probabilités. Les résultats ont clairement montré que l’éruption du paludisme durant la période d’étude avait eu lieu dans la région du Lac Victoria et que la maladie s’était étendue vers l’est, en direction de la mégapole de Nairobi. Une cartographie qui démontre comment le paludisme est susceptible de se déplacer entre les différentes régions du Kenya. Et quelles régions, précisément ciblées par les équipes de lutte contre la maladie, produiraient le meilleur résultat au niveau national.

La question qui fâche

Reste une question – sinon la question qui taraude y compris les professionnels du mHealth. L’opérateur kényan Safaricom – qui appartient pour 60% à l’Etat et pour 40% à Vodafone – a-t-il demandé l’autorisation à ses 15 millions de clients pour permettre aux chercheurs majoritairement américains de fouiller, scruter, analyser un si grand nombre de données les concernant ? Rien n’est moins sûr. Contactée par Owni, la Fédération des Consommateurs Kényans (Cofek) dit avoir approché Safaricom à ce sujet sans jamais avoir reçu de réponse. “Du point de vue de la loi kényane, de telles études – qu’elles soient à but commercial ou de charité – utilisant des données de possesseurs de téléphones mobiles, sont inacceptablement intrusives”, nous a déclaré Stephen Mutoro, son secrétaire général. En ajoutant, fermement :

Nous espérons que ceux qui ont conduit cette étude, s’ils souhaitent être pris au sérieux, ressentiront le besoin d’éclaircir certains points mystérieux concernant la méthodologie employée, notamment si une autorisation en bonne et due forme de Safaricom et de la Commission des Communications du Kenya a été délivrée. Si, comme on le redoute grandement, il existe une brèche sur les questions de vie privée, alors les coupables se feront certainement taper sur les doigts, avec une énorme compensation financière pour les consommateurs. Nous attendons également que la Commission des Communications du Kenya [CCK] agira de manière proactive et demandera les informations nécessaires au sujet de la méthodologie employée pour cette étude.

Au Kenya, où 84% de la population est couverte par les réseaux mobiles, la pénétration du téléphone portable atteignait 42% en 2008 (source ITU), et les abonnés étaient plus de 18,5 millions (selon la CCK) en 2009 pour une population totale de 40 millions – soit plus de 46%. Les prévisions de l’époque indiquaient que ces chiffres seraient susceptibles de doubler en cinq ans ; plus de 25 millions en 2011, comme le montre le graphique ci-dessous.

Le Kenya est l’un des pays d’Afrique pionnier en matière de téléphonie mobile, ce qui s’explique notamment par la pauvreté du réseau cuivré. À titre d’exemple, le pays s’est doté depuis 2007 d’un système de paiement électronique innovant, M-Pesa, prévu au départ pour les transferts d’argent depuis l’international et devenu en quelques années un véritable système monétaire quasi-privé aux allures de potentielle monnaie parallèle. Ce qui rend la question de l’analyse des données de Safaricom d’autant plus sensible, vu que ces transactions financières sécurisées faisaient partie du lot de la “big data” passée entre les mains des chercheurs.

Dans ce contexte de baisse des revenus et de part de marché drastique, nous avons interrogé Safaricom afin de savoir dans quelles conditions ce “big data” (une année des données de 15 millions d’utilisateurs) avait été cédé à l’étude. Contrepartie financière ? Open Data ? Les clients “cobayes” ont-ils été prévenus ? Nous n’avons pas reçu de réponse à ce jour. Et nous espérons que l’opérateur ne se soit pas tout simplement endormi sur ses principes.

Le bénéfice du doute

Au centre de la modélisation de cette masse colossale de données, Amy Wesolowski, jeune étudiante de l’Université Carnegie Mellon, travaille avec Caroline Buckee. Elle a déjà été interpellé sur cette question [pdf, page 15] de vie privée au sujet des données traitées au Kenya. Sa position de chercheur est sensée, polie, de bon aloi, mais pas forcément très claire sur la méthodologie employée par l’étude s’agissant de la récupération des données. Nous avons cherché à la joindre, elle est restée muette à nos questionnements, et nous en resterons donc à cette réponse de 2010 :

Ces données peuvent être utilisées pour de mauvaises choses, mais nous essayons de rester du côté du bien.

Professeur au département de médecine préventive de l’Université Vanderbilt, William Schaffner ne dit pas autre chose :

Je me doute bien que certains seront nerveux à l’idée d’un “big brother” qui nous suivrait partout. Pour ma part, je suis bien plus excité par les possibilités de nous prévenir d’une sérieuse affection.

Au vu des différents éléments que nous avons en notre possession et du mutisme appliqué de l’opérateur, il est donc probable que les 15 millions de clients de Safaricom aient été des cobayes à leur insu. Mais que ces innombrables données étudiées, manipulées pour la science, l’aient été dans un état d’esprit qui laisse peu de place à la paranoïa. Pour preuve, sans doute, ce document de travail “Du fair use de données comportementales, agrégées et anonymes” [pdf] réalisé par Nathan Eagle, doux-dingue ingénieur-informaticien passionné de béhaviorisme et de bien commun, PDG de txteagle qui pige de temps à autre pour le MIT et Harvard. Il a participé à la rédaction de l’étude parue dans Nature. Il est marié à la ville à… Caroline Buckee. Et qui, en évoquant son travail à Harvard, le résume ainsi :

En fin de compte, notre programme de recherche consiste à déterminer comment nous pouvons utiliser ces données pour améliorer activement la vie de milliards de personnes qui génèrent ces données et améliorer les sociétés dans lesquelles ils vivent.

C’est beau comme une keynote de Google.


Photos par Lukas Hofstetter [CC-byncsa] remixée en une par Ophelia Noor pour Owni ; et Aaron Knox [CC-byncsa].

La représentation en 3D d’une résolution spatiale à 100 mètres, version alpha, population d’Afrique de l’Est 2009 est issue du site afripop.org. Les régions zoomées sont celles de Bujumbura (a), Kigali (b), Kampala(c), Nairobi (d) et Dar Es Salaam (e) ; la carte de la pression clinique du Plasmodium falciparum (parasite qui cause le paludisme) en 2007 au Kenya est issue du site Malaria Atlas Project.

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L’Inde (dé)connectée http://owni.fr/2012/10/19/inde-deconnectee/ http://owni.fr/2012/10/19/inde-deconnectee/#comments Fri, 19 Oct 2012 15:50:53 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=122952

Au départ, ce papier devait parler de train en Inde. Plus précisément, de l’initiative de la compagnie ferroviaire nationale indienne de publier une carte de temps réel du mouvement des trains à travers le sous-continent sous forme de Google Maps. Le tout agrémenté d’une évaluation en temps réel de la ponctualité sur le réseau.

Mais la question est vite venue au sein du Pôle “data” de savoir : à qui profite la carte ? Bien que dépouillée, l’application demande tout de même le chargement de Google Maps et des mises à jour en temps réel, sans compter les fenêtres d’info qui se déploient à chaque locomotive cliquée.

Portrait schizophrénique

Si l’Inde jouit sous nos climats d’une image de pays en plein boom technologique, les statistiques publiques reflètent une autre image. Par exemple, Les comptes de la Banque mondiale indiquent pour 2011 que 10,1% seulement des Indiens étaient des usagers d’Internet, contre 38,4% en Chine.

Data from World Bank

Le portail de la statistique publique indienne (Mospi) offre un aperçu bien plus fin de l’accès au web dans le pays. Une étude sur la consommation des Indiens portant sur les années 2009-2010 peint un portrait schizophrénique de ce pays : une face rutilante et équipée d’urbains et une majorité diffuse et déconnectée de ruraux.

Le recensement 2011 souligne l’importance de cette partition : à côté des zones fortement urbanisées comme Delhi (97,5% de ville), Chandigharh (97,25%) ou Lakshadweep (78,8%), la majeure partie de la population vit à la campagne. Avec 68,84% de ruraux, la dernière enquête répertoriait plus de 833 millions d’habitants hors les villes, coupés, pour la plupart, des infrastructures de communication modernes. Plus que la population totale de l’Europe – états hors Union européenne et Russie compris.

En croisant les deux données, nous avons cartographié la fracture numérique indienne (voir ci-dessous) : en rouge les états dont le taux d’accès en zone rurale est inférieur à dix pour mille foyer (soit inférieur à 1%), en jaune ceux dont l’accès est supérieur à 1% mais inférieur à 5% et en vert ceux dont l’accès est supérieur à 5% de la population. Sur les 35 états et districts de la fédération indienne, seuls six dépassent la zone rouge, pour une population totale de 44,5 millions d’Indiens. Les 29 autres comptent pour 1,165 milliards d’habitants. La moyenne nationale d’accès en zone rurale s’établissant pour 2009-2010 à 0,35% des foyers.

Prisme mobile déformant

Le potentiel commercial de ce milliard et quelques habitants pousse cependant de nombreuses sociétés à ignorer ce fossé numérique. L’une des méthodes utilisées consiste notamment à se concentrer non pas sur l’accès domestique mais sur l’accès mobile.

Une étude Ipsos commandée par Google et la Mobile Marketing Association assurait ainsi que les Indiens dépassaient les Américains dans l’Internet mobile. Le chiffre avancé de 76% d’usagers mobiles indiens utilisant les réseaux sociaux contre 56% des Américains ne portait cependant que sur les détenteurs de téléphone mobile.

Une première réserve porte sur le fait que l’accès fixe à l’Internet (comme le montre notre carte ci-dessus) reste marginale en Inde. L’étude consommation des ménages de l’institut de la statistique publique indienne relève néanmoins une consommation mobile très développée en zone rurale : l’achat de téléphone mobile concernait 69 foyers sur 1000 contre 1 sur 1000 pour les téléphones fixes et les recharges de mobile plus de la moitié des foyers interrogés (536 pour 1000) ! À titre de comparaison, l’achat de mobile concernait en zone urbaine 78 foyers pour 1000, soit moins de 1% de plus qu’à la campagne, et celle de recharges 818.

Une nuance de taille intervient cependant dans ces statistiques : celle de la dépense. En campagne, les dépenses mensuelles liées aux téléphones mobiles sont évaluées à 1,8 roupie par mois (1,4 centime d’euro) et 18,93 roupies (25 centimes) de recharge contre 55,58 roupies en ville pour les recharges (78 centimes) et 3,94 roupies en appareil (4,3 centimes).

Le site GeneratedContent.org se penchait récemment sur la façon dont la majeure partie du monde reçoit l’Internet mobile. Une étude datant de 2011 plaçait en tête des téléphones mobiles les plus utilisés dans le monde le Nokia 3150 Xpress Music, modeste dalle commercialisée depuis février 2009 par le constructeur finlandais. Avec ses 320 pixels de hauteur et 240 pixels de largeur connectés en WAP 2.0, cette antiquité aussi tactile qu’un Minitel reste à ce jour le téléphone le plus courant dans la plupart des pays d’Afrique (notamment en Egypte et en Afrique du Sud) ainsi qu’en Thaïlande et en Chine.

N’en déplaise à la ronflante étude Ipsos, l’Inde ne turbine pas la 3G à coup de Samsung Galaxy ou d’iPhone. Le téléphone le plus courant y est le Nokia X2 01 (également leader en Indonésie) dont les caractéristiques s’avèrent un peu meilleures que celle du 3150. Equipé en 3G (mais pas en Wi-Fi), le téléphone affiche sur un écran 320×240 pixels une densité de 167 pixels par image en QVGA pour une diagonale de 2,4 pouces. A titre de comparaison, l’iPhone 5 affiche en 4 pouces 1136×640 pixels.

Un commentaire au billet mentionné ci-dessus évoque une situation où la vision eurocentrée de l’accès à Internet a joué des tours aux meilleures volontés :

Il y a trois mois, j’ai déménagé en Afrique du Sud pour développer une application de réponse d’urgence. Dans un premier temps, j’ai pensé développer une application pour Android mais après quelques mois, j’ai réalisé que personne ne pouvait se payer ces téléphones. J’ai vite pris conscience de la popularité des Nokia et j’ai orienté mon application pour qu’elle soit compatible avec le X2-01.

Une réflexion valable pour les humanitaires comme pour les pouvoirs publics. Dans des pays dont l’accès mobile se résume à un écran de 2,4 pouces en 320×240, toute initiative d’Open Data inaccessible en Edge est vouée à rester un gadget dont ne se réjouiront que les pays où les appareils d’Apple et Samsung sont abordables jusque dans les zones rurales.

Le seul soulagement des pays mal équipés étant de fabriquer les téléphones mobiles haut de gamme à bas prix.


Photo par CGIARClimate [CC-byncsa]

La carte reprend les icones Rural designée par Evan Caughey et City designée par Inna Belenky, tous deux repérés en CC BY NC sur l’excellent site The Noun Project, recommandé par notre cher Cédric Audinot /-)


Nos données

Inde : accès à Internet des populations rurales et urbaines (Google Docs)

Sur le site officiel du ministère de la statistique du gouvernement fédéral indien (Mospi), les données sur les biens de consommation (dont les téléphones mobiles) sont à retrouver dans l’étude “Indicateurs clefs des dépenses des ménages indiens 2009-2010″ (PDF), publiée en juillet 2011 par le National Sample Survey Office du ministère Indien de la statistique.

Les données sur la connexion à Internet sont compilées dans l’étude “Niveau et schéma de consommation 2009-2010″ (PDF), publiée par le même organisme en décembre 2011.

Les données du recensement 2011 de l’Etat fédéral indien sont à télécharger en PDF ou en XLS sur le site dédié (interface Flash).

Les données de la Banque mondiale sur l’accès à Internet dans le monde sont à télécharger en XLS ou en XML sur l’excellent portail data de cette institution.

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Les espions recyclent Android http://owni.fr/2012/01/31/la-nsa-recycle-android/ http://owni.fr/2012/01/31/la-nsa-recycle-android/#comments Tue, 31 Jan 2012 15:29:45 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=96671

Son nom : SE Android, pour Security Enhanced (Sécurité Renforcée) Android. Sa mission : “identifier et résoudre les graves failles dans la sécurité d’Android”. Le tout, estampillé NSA, pour National security agency, les services de renseignement américains en charge de l’espionnage des télécommunications étrangères, mais également de la sécurisation des télécommunications gouvernementales américaines.

Pour faire simple, SE Android limite les dommages que pourrait entraîner une application malveillante sur les données du téléphone. Car des applications malveillantes, l’Android Market – équivalent de l’App Store d’Apple – en a hébergé beaucoup. Si certaines laissaient peser la menace d’appels indésirables et surtaxés, d’autres permettaient d’activer à distance le micro du téléphone ou encore de lire le contenu des SMS de l’utilisateur.

Chaque jour, il se vend pas moins de 700 000 téléphones fonctionnant sous Android dans le monde. Dont on peut penser que quelques-uns sont achetés par les membres des ministères et agences gouvernementales états-uniennes. Soucieuse de remplir sa mission de sécurisation des télécommunications gouvernementales, la NSA a donc publié début janvier la première mouture de SE Android. Une extension qui n’est en fait pas si nouvelle : elle est basée sur SE Linux, un autre module de sécurité développé par la NSA spécialement pour Linux, le célèbre système d’exploitation open source.

Open source, le code de SE Android l’est aussi. Il est donc accessible à tous les développeurs amateurs ou professionnels qui veulent “l’auditer”, comme on dit dans le milieu. De quoi dissiper toute inquiétude quant aux intentions réelles de la NSA. En théorie.

Entrée par la porte de derrière

Car la NSA ne se contente pas de sécuriser les télécommunications du gouvernement américain, elle exerce également une mission de renseignement électromagnétique. Aussi appelé interception des télécommunications. D’ailleurs, son site Internet donne le ton :

Nous recueillons l’information que les adversaires des Etats-Unis souhaitent garder secrète.

Vue sous cet angle, la sortie d’un Android amélioré par la NSA a une autre teneur. En témoignent ces commentaires méfiants glanés sur les nombreux sites de fans du système d’exploitation :

Ces “petits mouchards indétectables” pointés du doigt, ce sont les “portes dérobées” (backdoors en anglais), un genre de cheval de Troie qui permet de prendre à distance le contrôle d’un système informatique. Et donc de récupérer les données d’un utilisateur à son insu. Le problème, comme l’indique un ingénieur de recherche en sécurité informatique qui n’a pas souhaité être cité, c’est “[qu’]il est très facile d’insérer une backdoor et de la noyer au milieu de milliers de lignes de code”.

Des soupçons d’espionnage au moyen de chevaux de Troie, le gouvernement américain en a d’ailleurs connu beaucoup. En janvier 2007, un scandale éclate aux Etats-Unis lorsque la NSA admet avoir travaillé avec Microsoft à la sécurisation de Windows Vista. Deux ans plus tard, la polémique rebondit pour la même raison à propos de Windows 7, la dernière version du système d’exploitation le plus utilisé au monde. Enfin, en décembre 2010, les doutes sur les intentions des services gouvernementaux américains culminent avec l’affaire Open BSD. Gregory Perry, ingénieur informatique, révèle que son ancienne société, NETSEC, a introduit des portes dérobées dans le code d’Open BSD, un système d’exploitation libre comparable à Linux. Et qu’il remplissait-là son contrat avec le Federal Bureau of Investigation (FBI), le service de renseignement intérieur des Etats-Unis.

Cela dit, les nombreux experts en informatique interrogés par OWNI font part de leurs doutes sur d’éventuelles portes dérobées dans SE Android. Radoniaina Andriatsimandefitra, thésard à l’Ecole supérieure d’électricité de Rennes :

D’après mon premier examen du code de SE Android, rien n’indique la présence de backdoors mises en place dans le but d’intercepter les données du téléphone. De plus, un code disponible en open source est relu par un bon nombre de personnes ce qui augmente la possibilité de détection avant usage même du produit.
Cependant, même si une telle chose paraît improbable, elle n’est pas à exclure.

Même avis pour Cédric Blancher, chercheur au laboratoire en sécurité informatique d’EADS Innovation Works :

La NSA prendrait un risque énorme à laisser traîner une backdoor dans son code, considérant la probabilité non négligeable que celle-ci soit découverte un jour.

L’argument open source revient sans cesse : parce que le code informatique de SE Android est vérifiable par quiconque souhaite mettre la main dans le cambouis, il semble peu probable que la NSA y ait inséré une porte dérobée. La densité du code de SE Android pourrait néanmoins réserver des surprises : “On pourrait y découvrir un cheval de Troie dans seulement dix ans !”, lance un ingénieur informatique.

Sous-traitance bon marché

En fait, l’intérêt de la NSA à rendre publique et libre d’accès une extension de sécurité pour Android se niche ailleurs. La licence libre est une nouvelle façon pour les services de renseignement américains d’imposer leurs propres standards de sécurité aux téléphones du monde entier. La pilule passe mieux que lors d’une annonce de collaboration NSA/Microsoft.

Mais l’open source a un autre avantage pour la NSA. Selon Radoniaina Andriatsimandefitra :

En agissant de la sorte, elle s’offre la possibilité de déléguer une partie du développement et de la maintenance à des développeurs issus de la communauté libre.

Un code de sécurité maintenu et enrichi gratuitement par une communauté de fans, que rêver de mieux pour la NSA ? Pas sûr, cela dit, que l’agence de sécurité rende la pareille, d’après Cédric Blancher :

Ils se serviront sans doute de SE Android comme socle à d’autres développement conservés en interne.

Ces développeurs contribueront peut-être aussi aux avancées du futur smartphone destiné aux soldats de l’armée américaine. Qui, comme par hasard, tourne sous Android.


Photos par Scarigamy (CC-bysa) et Solo (CC-byncsa)

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Barcelone 2011: le smartphone, compagnon de notre vie connectée http://owni.fr/2011/02/18/barcelone-2011-le-smartphone-compagnon-de-notre-vie-connectee/ http://owni.fr/2011/02/18/barcelone-2011-le-smartphone-compagnon-de-notre-vie-connectee/#comments Fri, 18 Feb 2011 15:00:33 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=47346

Pas moins de 135 délégations gouvernementales présentes cette semaine à Barcelone, lors du Congrès annuel mondial des mobiles [en] et 55.000 professionnels, dont beaucoup venus d’Asie, pour assister au mariage enfin consommé de l’Internet et des telcos.

Voici quelques grandes tendances observées :

1 – Compagnon de tous les jours pour communiquer et accéder au web, le smartphone devient le centre de notre vie numérique.

Cette tendance déjà très visible début janvier au CES de Las Vegas, s’accélère vite, plus vite encore que les experts ne l’avaient prévu puisque :

  • C’est officiel depuis la semaine dernière ! Les ventes mondiales de smartphones ont dépassé [en] celles d’ordinateurs au 4ème trimestre 2010.
  • Leur taux d’adoption, dans les pays riches, a fait un bond de 10 points en an, pour atteindre 31% des Européens qui ont un mobile et 27% des Américains. Au Japon, ils sont déjà 75% ! Mais la France est à la traîne des grands pays. (comScore)

D’ici peu, plus de gens accéderont à l’Internet via les mobiles que par les ordinateurs. La moitié des ventes de Vodafone en Europe sont des smartphones. Au Japon, c’est 85% des lycéens qui s’équipent ainsi. D’ici 2015, 7 à 8 milliards de comptes mobiles seront connectés, contre 600 millions aujourd’hui, selon Ericsson.

Les clés du succès des smartphones aujourd’hui ? Les jeux, les applications et les réseaux sociaux, a résumé Eric Schmidt, le président de Google. Son OS Android est récemment passé 1er mondial devant l’iPhone d’Apple, mais le Blackberry reste n°1 aux États-Unis. En 2010, le nombre de possesseurs de mobile ayant échangé sur des réseaux sociaux via leur téléphone a fait un bond de 75% en Europe et de 56% aux États-Unis.

Les smartphones, presque aussi rapides et puissants que des ordis de la maison, sont désormais un des maillons de la chaîne d’appareils (ordis, tablettes, téléviseurs) qui laissent s’écouler sans friction les contenus des médias de l’un à l’autre.

Comme le disait le patron d’AT&T, plus de la moitié des gens consomment le même contenu sur plus de trois outils : ils ne sont limités ni par les outils ni par les OS. « Il faut donc transformer les outils en applications ».

2 – La révolution des données, nouvelles monnaies en circulation de l’économie en réseau de l’information.

Leur transport explose (+100% par an en Chine, + 50% en Europe et aux États-Unis, 33% en Inde, prévision d’une multiplication par 30 d’ici 2015 dans le monde). Les tablettes y jouent, bien sûr, un grand rôle.

La Chine demande que le wifi soit installé par défaut sur les smartphones et travaille avec la Corée et le Japon à un système de roaming international Wifi. Dans quelques années, il y aura quatre fois plus de gens reliés au web par mobile que par ordinateur.

Heureusement pour les opérateurs, confrontés à la hausse des coûts d’investissement des infrastructures, le transport de données, en croissance exponentielle, commence – comme au Japon – à remplacer la voix en terme de profitabilité. Ils comptent sur le public pour accepter de payer des services à valeur ajoutée, contrairement à la musique et aux news.

Au rayon nouveautés, à noter :

Le 1er smartphone à écran 3D : l’Optimus de LG
Le smart phone de HTC avec son bouton Facebook (pour partager d’un clic)

3 – Les telcos veulent aussi être au centre de l’Internet des objets et des services.

Les opérateurs, confrontés à la saturation du marché des mobiles, à la chute de la valeur du transport de la voix et aux nouveaux concurrents du web, se transforment en entreprises de services Internet mobiles et reprennent confiance. Leurs modèles d’affaires, comme ceux des équipementiers, est en train d’évoluer.

Le smartphone, nouveau mode de paiement !

Après, la musique il y a dix ans, puis la presse et la TV il y a quelques années, c’est au tour d’autres secteurs d’être, touchés par la grâce de la mobilité (et donc d’arriver en masse à Barcelone) : cette année, la banque !

Les prochaines grandes fonctions des smartphones, déjà actives dans de nombreux pays (Japon, Corée), seront les transactions connectées, contribuant ainsi  à l’essor de l’e-commerce et l’e-ticketing. Nokia, Blackberry sont en pointe avec Deutsche Telekom, Vodafone, Telefonica, Orange, Barclays Bank. Les opérateurs, habitués à la facturation et au contact avec le client final, sont ici à l’aise.

Avec des cartes SIM implantées partout, l’Internet des objets devient l’Internet de tout… ce qui est connectable.

« Et tout ce qui est connectable sera connecté d’ici quelques années », aime à répéter Eric Schmidt. « Y compris des animaux et des plantes vertes », comme l’a souligné le patron du géant China Mobile.

Les services vont converger, sans effort, d’un appareil de la maison à l’autre, d’un équipement (automobile, chantier, distributeurs automatiques…) à un autre.

« Le smartphone en sera le centre », assure le président de Qualcomm, Paul Jacobs.

Les opérateurs entendent jouer un rôle croissant dans ce « tout connecté ». Une maison [en] bourrée de cartes SIM a ainsi été montée dans la foire pour montrer comment nos vies seront demain connectées : de la cuisine à la voiture qui devient un petit environnement wifi.  Ce que le PDG de NTT Docomo nomme « le mobile embarqué », d’autres le « M2M » (machine to machine). Avec à la clé, d’énormes problèmes d’interopérabilité non résolus.

Autres secteurs en plein développement du mobile connecté : la santé, l’automobile, l’éducation, l’édition, la publicité, les services publics, etc.

D’ailleurs des congrès associant spécifiquement la téléphonie mobile aux modes de paiement et à la santé se tiendront cette année respectivement à Singapour et au Cap.

Certains opérateurs, comme le Japonais NTT n’hésitent  pas à se diversifier fortement : ebooks, systèmes de navigation automobile, cadres de photo numérique, systèmes de paiement électronique, distributeurs automatiques, consoles de jeux, etc.

4 – Les tablettes pour les loisirs : il y a un an il n’y en avait pas, aujourd’hui elles sont partout !

Si la consommation de contenus médias et « entertainment » n’est pas encore prédominant dans les smartphones, elle explose dans les tablettes. À l’instar de l’essor de la vidéo.

Toutes les nouvelles tablettes étaient présentes à Barcelone : celles de Samsung, HP, LG, Motorola Dell, la Playbook de Blackberry (RIM) [en], etc.

La nouvelle culture des applications :

Face au succès des applications, huit grands opérateurs et une soixantaine de partenaires ont ouvert cette semaine au public leur plate-forme commune d’applications (WAC), lancée l’an dernier, pour lutter contre la fragmentation des formats et éviter qu’un ou deux géants (Apple et Google) ne contrôlent le marché.

Mais les magasins d’applications, étagères du web, restent pour l’instant en silos séparés et posent des problèmes de bande passante aux opérateurs.

Près de 10 milliards d’applications ont été téléchargées en trois ans (environ un tiers payantes), 60 en moyenne par utilisateur, le marché est estimé à 17 milliards de dollars en 2011, et un hall entier leur est consacré à Barcelone, depuis l’an dernier.

Cette « applification du web », qui concerne en premier lieu les jeux et les loisirs, est en train d’arriver aussi sur les futures télévisions connectées.

La vidéo s’envole dans les usages Internet, pour les mobiles aussi.

Les consommations de contenus changent : 66% du trafic de l’Internet mobile devrait être le fait de la vidéo d’ici 2015, selon Cisco. Le Japon est le 1er de la classe pour la bande passante mobile, suivi des États-Unis et de l’Europe, selon NTT Docomo.

5 – Technologies : tout repose sur l’association mobilité, réseau à haut débit et « cloud ».

La 4G et la norme LTE commencent à se déployer permettant des connexions plus rapides. Mais l’Europe est en ici retard face au Japon et aux États-Unis.

  • Aujourd’hui c’est « mobile first », comme le dit Eric Schmidt. « C’est là où ça se passe ! Le mobile devient le nouveau PC. Ajoutez-y le réseau et le cloud computing et vous avez le trio gagnant. »
  • « Prenez chacun de vos appareils et songez que d’ici peu ils seront connectés dans les nuages. » (E. Schmidt)

Google croit aussi dans le langage web « html5 », qui, après avoir un peu évolué, sera utilisé d’ici quelques années dans de très nombreuses applications.

En détectant de plus en plus ce qui se passe autour de nous, notre contexte immédiat, notamment via la réalité augmentée, les smartphones deviennent notre sixième sens, assure le patron de Qualcomm.

La neutralité du Net en danger : les opérateurs se plaignent aussi de payer pour des infrastructures très onéreuses et utilisées gratuitement par d’autres, comme YouTube.

Réponse d’Eric Schmidt de Google : les pouvoirs publics devraient mieux redistribuer les ressources disponibles en bande passante, les utilisateurs doivent être encouragés le plus possible à switcher en Wifi, et nous partageons déjà des revenus sur le search mobile.

Le Congrès a été aussi dominé par le renoncement de Nokia sur les logiciels via son accord avec Microsoft. Un Congrès comme toujours boudé par l’éléphant dans le magasin de porcelaine… Apple !

What’s next ?

Beaucoup de pistes séduisantes évoquées ici, à Barcelone. À suivre, dans un prochain billet. Promis.

Billet initialement publié sur Metamedia

Image de une CC Flickr kirainet

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http://owni.fr/2011/02/18/barcelone-2011-le-smartphone-compagnon-de-notre-vie-connectee/feed/ 0
Pourquoi vous subissez René la taupe? http://owni.fr/2010/08/30/pourquoi-vous-subissez-rene-la-taupe/ http://owni.fr/2010/08/30/pourquoi-vous-subissez-rene-la-taupe/#comments Mon, 30 Aug 2010 16:16:29 +0000 Maxime Garrigues http://owni.fr/?p=26281 Entrepreneur et blogueur toulousain, Maxime Garrigues publie sur son site maximegarrigues.com des billets liés à l’actualité des nouvelles technologies. Il analyse pour nous le phénomène (plus marketing que) musical de l’année.

Taupe, charts et pactole

“Vous n’avez pas pu passer à coté du phénomène “René La Taupe”. Depuis quelques semaines, ce mammifère à la voix plus qu’agaçante est présent sur les plus grandes chaînes et stations de radios françaises. Avec deux titres à son actif, Merde (2009) et Mignon Mignon (2010), la taupe qui chante squatte les premières places des classements des titres les plus téléchargés en France et est l’un des tubes de l’été 2010. Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi je parle, voici le clip du titre “Mignon Mignon” …

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Derrière ce sympathique personnage se cache l’industrie du contenu pour mobile. Index Multimédia, Zaoza, K-Mobile, … ils produisent et distribuent du contenu qui vous permet de personnaliser votre mobile. Je parle ici de sonneries, de fond d’écrans, de jeux, d’applications, de logos ou encore des vidéos. Ce marché est loin d’être anecdotique. Même si celui-ci connait un relatif recul du fait de l’évolution des terminaux qui permettent une personnalisation par les utilisateurs (Smartphone) il reste tout de même conséquent.


En France, d’après une enquête menée par l’institut GFK, celui-ci est évalué en 2009 à près de 170 Millions d’Euros. René est un pur produit de ce marché, une création de la marque de distribution de contenu sur mobile Jamba. Marque Européenne, Jamba appartient à la Fox Mobile Distribution (FMG) qui règne sur le contenu mobile international.

René la Taupe était une sonnerie pour portable …

Avant de devenir un tube, René était donc une sonnerie pour portable. Un produit conçu en un temps record. Contactée par mes soins, Séverine Thomazo, Directrice Marketing chez Fox Mobile Distribution, explique que

“Nous avons un studio de créa basé à Berlin avec qui nous travaillons tous les jours afin de trouver de nouveaux personnages 3D. L’idée de la Taupe a été proposée et retenue car nous recherchions un personnage mignon, mais aussi maladroit et drôle. René parle de sujets sensibles, et ce d’une manière directe, sarcastique et bien sûr amusante. Il peut dire tout fort ce que les autres chuchotent. Il se fait ainsi la voix de la France ! Il dédramatise des sujet tels que le surpoids.”

Cette dernière confirme dans une interview donnée à France-Soir que les paroles n’ont pas pris plus de dix minutes à écrire « J’ai écrit les paroles en sept minutes top chrono, entre midi et deux heures. C’est un délire de quelques minutes qui se vend partout en France » Pour ceux qui douteraient de leur simplicité, vous pouvez les lire en suivant ce lien.

L’idée validée, la production du futur hit n’a pas pris plus de temps : “le titre a été préparé pour le marché français fin avril et lancé directement, soit début mai”, un seul petit mois au total donc. Il faut dire que René La Taupe est un produit idéal. Il ne s’agit pas d’une licence ni d’un tube existant. Il y a donc très peu de contraintes de droits d’auteurs et autres délires artistiques à respecter. Dans le même axe, René La Taupe est un personnage 3D qui ne rechigne pas à la tache. Un son trop aigu ? Il suffit de quelques clics pour modifier tout cela… Difficile de faire mieux.
Une fois le contenu en boîte, celui-ci doit être distribué au plus vite. Là encore rien de plus simple. Il s’agit d’un produit totalement dématérialisé. Un simple fichier MP3 qui ne demande ni transport, ni stock et qui n’est pas périssable.

Viens par là, René...

La distribution est d’autant plus aisée que Jamba a des accords avec les principales plate-formes de téléchargement de contenus mais aussi avec les principaux opérateurs qui les aident à toucher directement leur cible. Jamba vient ainsi de signer un accord avec NRJ Mobile pour la mise en place d’une plateforme d’apps pour mobile et la Fox Mobile Distribution vient de signer un deal mondial avec l’opérateur Orange qui porte sur la distribution de contenu auprès des 117 Millions de clients de la marque dans plus de 30 pays.

Disponible en quantité inépuisable et produit à faible coût, il ne reste plus qu’à vendre en quantité pour toucher le jackpot. Pour cela deux éléments clés du MIX rentrent en jeu, le prix et la communication.

Un prix faible et des moyens de paiement détournés

Compte tenu de la typologie du produit le prix ne peut être élevé. Le titre “Mignon Mignon” se situe toutefois dans la tranche haute des sonneries avec un prix de vente de 3 euros (l’achat donne toutefois aussi accès au catalogue de contenu pour une semaine à l’acheteur). Les 3 euros sont suffisamment bas pour être indolore dans le portefeuille des ménages Français, mais est suffisamment haut pour générer un CA global important pourvu que le nombre de téléchargements se compte en milliers.

Imaginons en effet que les coûts de productions aient atteint les 100 000 Euros. Il faut générer un minimum de 34 000 téléchargements pour atteindre le seuil de rentabilité hors médias. Largement jouable non ? Au vu des classements on peut estimer que le titre approche du million de téléchargements, ce que me confirme à demi-mot Séverine : “Nous avons effectué des centaines de milliers de téléchargements de la sonnerie Mignon Mignon depuis son lancement le 1er mai.” Le paiement quand à lui se fait par SMS surtaxé, un micro-paiement très en vogue chez nous et popularisé par les jeux TV, qui ne donne pas pas l’impression de dépenser.

Pour générer un maximum de vente à 3 euros, il faut médiatiser le contenu et c’est là que les choses deviennent intéressantes. La sonnerie de René est loin d’être la seule sur le marché. Même si le produit a été conçu pour être facilement mémorisable, il faut le sur-médiatiser afin de le faire acheter par les Français.

Je n’ai pas pu connaître le poids de la communication dans le budget total d’un produit tel que René La Taupe. Force est de constater qu’il est plus que conséquent. Séverine Thomazo m’explique ainsi que :

“Nous avons travaillé principalement le titre en TV pour commencer, puis ensuite en presse, radio, internet etc…Dans un deuxième temps nous nous sommes rapprochés de Believe afin de promouvoir le téléchargement du single complet sur toutes les plate formes françaises.”

La priorité est donc donnée au mass média avec une utilisation astucieuse du budget. René La Taupe n’est en effet jamais présente aux heures de grande écoute, mais plutôt à des horaires où le ratio audience / prix est le plus avantageux. René La Taupe n’a pas besoin d’une forte segmentation, peu importe la typologie de l’audience pourvu qu’elle dispose d’un mobile.

Vous remarquerez que le média web a été oublié, ce que me confirme Séverine.“Nous n’avions pas de stratégie sur ce marché au départ. Toutes les pages Facebook existantes ainsi que les nombreuses vidéso sur YouTube sont mises en ligne par les fans de René.” Ce qui parait incroyable au vu du buzz que génère cette taupe grosse et grasse. Tout comme Crazy Frog, la grenouille aviatrice qui avait inspiré deux jeunes (12 Millions de vues !) , René La Taupe génère des vues et des parodies. La vidéo officielle affiche ainsi plus de 5 Millions de vues et on trouve déjà de nombreuses vidéos d’inconnus reproduisant la chorégraphie de la taupe. Voir ici.
En parallèle, on voit apparaître de plus en plus de tweets concernant René et des pages “J’aime” sur Facebook se remplissent chaque jour un peu plus. Une requête Google Trends nous confirme tout cela, le trafic généré par cette taupe ne cesse de croitre depuis son lancement en Mai.

Le business model de René La Taupe ressemble comme deux gouttes d’eau à celui des acteurs du social gaming tel que Zynga : un produit idéal, du micro-paiement, et des millions de clients.

René La Taupe est engagée dans un cercle vertueux que la société Jamba fait tout pour entretenir.

Séverine m’explique en effet que “Le single physique est en cours de préparation et sera en vente dès le 30 août ! Le label avec qui nous travaillons sur ce projet est EMI. Une application iPhone est en cours de développement et un titre spécial Rentrée Scolaire (reprise du titre « Merde » avec de nouveaux textes). S’ensuivra un tout nouveau single courant septembre, puis enfin un Album avant Noël. Un titre de Noël est déjà en production également.”

Vous l’avez compris, vous n’avez pas fini de voir René La Taupe sur vos écrans !

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Article initialement publié chez Nicolas Bordas sous le titre “Et si René la Taupe partait à la conquête du monde ?”

Crédits photos CC Flickr kiki99 & Matlock-Photo

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Apple, un nouveau contrat de civilisation http://owni.fr/2010/02/24/article-choisi-apple-un-nouveau-contrat-de-civilisation/ http://owni.fr/2010/02/24/article-choisi-apple-un-nouveau-contrat-de-civilisation/#comments Wed, 24 Feb 2010 17:07:59 +0000 Emmanuel Torregano (électron libre) http://owni.fr/?p=8986 arton576

Un jour cette expression aura tout d’une lapalissade : « Apple est le microsoft de la culture et de la connaissance ». Et de ce jour Microsoft connaîtra un déclin, inéluctable. Ce jour n’est pas si loin. Nul besoin de se demander dès maintenant s’il faut s’en réjouir, car la domination d’une entreprise est en soi un problème pour le reste du marché, et plus inquiétant encore pour la société tout entière.

Microsoft n’avait finalement été qu’un galop d’essai. Une timide percée du virtuel dans nos vies ; rien de vraiment capital. La société de Redmond n’a finalement contrôlé qu’un marché de la boîte à outil informatique, celle qui permet d’écrire, d’échanger ou de regarder des sites Web. Des éléments essentiels, mais sans signification majeure, ni fondements pour établir une civilisation. L’empire de Microsoft s’appuie sur des bidouilles informatiques érigées en éco-système.

Apple n’appartient pas du tout à cet ordre là. La différence est importante, immense entre les deux sociétés. Steve Jobs, son patron et créateur avec Steve Wozniak, l’a toujours affirmé, il s’agit pour lui de changer le monde, pour en bâtir un nouveau. Cette antienne était celle de ses débuts dans l’euphorie des années 1970 de la Silicon Valley, mais elle reste plus encore d’actualité aujourd’hui, alors que la firme en a enfin les moyens…

Et comme toutes les grandes aventures, Apple a commencé doucement à l’abri des regards pour changer en profondeur les choses. L’histoire a commencé par une décision drastique, prise alors que Steve Jobs revenait aux commandes d’Apple au milieu des années 90. L’ordinateur ne devait plus être un outil, gris, beige, moche pour tout dire, que l’on cantonnait au bureau, pour être enseveli sous le courrier en retard… Steve Jobs a mis le design de ses produits au cœur de son process de conception et de réalisation. L’iMac, premier ordinateur né de cette exigence neuve, a permis de sortir l’ordinateur de son no man’s land de la bureautique.

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Cafetière

L’étape suivante est plus étonnante. Apple n’avait pas prévu que l’iPod allait connaître un tel succès. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, ce petit appareil destiné à écouter de la musique est devenu en quelques mois le meilleur agent de publicité de la marque ; bien que bénéficiant d’une forte notoriété, Apple n’avait jamais réellement vendu en dehors d’un cercle d’initiés. L’iPod fut la révélation pour le grand public qu’autre chose était possible en dehors de la tarentule Windows.

Depuis ce coup d’éclat, Apple s’est pris à rêver de sa toute puissance. Et, plus étonnant, le monde lui a tendu un miroir complaisant. L’iTunes Store a ainsi totalement transformé l’idée que l’on pouvait se faire d’une boutique en ligne. Les Apple Stores en dur ont réussi ce même tour de force. Que dire aussi de l’iPhone, dont la progression des ventes tient du miracle pur et simple en ces temps de crise économique !

Le cas iPhone mérite que l’on s’y attarde. Son succès mondial sous-tend la victoire totale de l’ordinateur sur le reste des objets. Le téléphone mobile n’était pas sexy avant l’iPhone, car sa conception tenait plus de la cafetière… Apple a introduit l’intelligence au cœur de la téléphonie mobile. Oubliant volontairement, au passage, qu’un téléphone était vendu jusque-là pour ses caractéristiques techniques. En se déterminant sur d’autres critères, comme l’interface, le mode opératoire ou bien l’accès à un catalogue d’applications, Apple a changé le paradigme du secteur, et l’a préempté aussitôt. Il n’y a pas de concurrent aujourd’hui. iPhone est dans une catégorie à part. Et cela va durer.

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Gutenberg

L’Ipad agit comme un concentré de tous les atouts du jeu d’Apple : l’interface sans pareille, l’ordinateur au cœur de la vie ordinaire, la simplification d’accès aux univers de la connaissance et du divertissement, tout ça dans une ambiance cool et décontractée. Apple est d’ailleurs la victoire dans le domaine de la technologie de l’âge du « teenager américain », qui a déjà sévi dans d’autres secteurs, comme le cinéma ou la musique.

L’armature est en place donc, les voiles gonflées, mais où va-t-on ainsi ? Apple n’est pas une société inoffensive, comme l’a été Microsoft. L’ogre de Redmond n’a été qu’un jouet pour enfants, ou adultes attardés. Cette entreprise n’a aucune envergure, à l’image de son fondateur. Elle a procédé sur son marché naturel avec une stratégie de rouleau compresseur, et s’est peu souciée du destinataire, en clair de satisfaire les clients. Dans sa version grand public Windows n’est pas un produit destiné à être vendu, mais à être adopté par l’utilisateur sans autre alternative. C’est très différent.

Apple doit séduire – et certainement agacer aussi, mais c’est le contrepied du premier. Car la firme de Cupertino va dans les années qui lui reste, celle de son hégémonie, de son climax industriel, avant l’inévitable déclin, déterminer les principes d’un nouvel accès à la culture, à l’information et au divertissement. L’effet sera forcément tellurique. On le comparera avec le recul nécessaire à ce que l’imprimerie de Gutenberg fut à l’aube de la renaissance. Ni plus, ni moins. Et, il serait honnête dès aujourd’hui d’éviter les erreurs sans cesse répétées par le passé d’encenser les grands créateurs, une fois passés de vie à trépas.

> Article initialement publié sur Electronlibre

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